Petite chronique familiale et évènements 1939-1945.


 

             Barthélémy LHOPITAL  mon grand-père épouse le 17/12/1910 à Frontenas Claudia NOVE née à Tassin la demi- lune . Deux enfants naîtront :
- Claudius Marius, mon père le 07/08/1911 à Châtillon d'Azergues.
- Julie Henriette le 30/05/1914 à Theizé.

 Depuis 1913 Raymond Poincaré est président de la république, lorsque le 28/06/1914 l'attentat de Sarajevo met le feux aux poudres. La première guerre mondiale est en marche, la France entre dans le conflit le 03/08/1914.

Comme ses parents et ancêtres, Barthélémy est cultivateur. Pas pour longtemps, car une "mangeuse d'hommes" le réclame. Avant que sa fille ne puisse grimper sur ses genoux, il est rappelé par décret de mobilisation générale en date du 01/08/1914. Il arrive au corps le 04/08/1914. Le 09/05/1915 il passe au Bataillon de marche du 42e Régiment d’Infanterie.

Barthélémy est un homme tranquille et doux. Il adore ses enfants et sa femme, et lors des trop rares permissions, il jouit intensément de ces quelques heures en famille, loin de l'enfer du front.

Le 06/03/1916, Barthélémy est nommé Caporal. Le 09/06/1918 il est incorporé au 60e Régiment d’infanterie. La guerre tire à sa fin. L'ennemi recule et pourtant, le 03/08/1918 à Ville en Tardenois Barthélémy est gazé. Il meurt six jours plus tard à Mareuil en Brie dans l’ambulance 8/22 à 16 heures le 9 août 1918.

Barthélémy Lhopital


Mort pour la France

Guillaume II abdique. L'armistice est signé le 11/11/1918. Claudia veuve de guerre, sans métier, doit subvenir seule aux besoins de ses deux enfants.   

Le 14 mai 1921 Barthélémy reçoit à titre posthume la Croix de guerre avec étoile d’argent et la Médaille Militaire.          

Décoration bathélémy Lhopital                   

Ne se décidant pas à abandonner la dépouille de son mari, Claudia se rend à Mareuil en Brie. Elle y trouve la tombe de son époux, assiste à son exhumation, le reconnaît parfaitement, car   enterré dans la craie, son corps est intact. Elle décide de le ramener  à Lyon.

Claudia Nové

Le 22 juillet 1921, Barthélémy déposé à l'hôpital Desgenettes est inhumé au cimetière de la Guillotière, où je me souviens m'être rendu avec mes parents pour y fleurir sa tombe. Entre 1975 et 1980 sa dépouille a été relevée et transférée au cimetière National de la Doua à Villeurbanne, où il repose à présent. A cette époque sa soeur Marguerite épouse BACHELIER,  qui possédait un caveau à Châtillon d'Azergues avait refusé d'y déposer Barthélémy, prétextant n'être pas certaine que le corps fut bien celui de son frère. 

Claudia quitte Theizé en fin d'année 1918 et vient habiter à Lyon Croix-Rousse, rue Pailleron. En plus de ses deux enfants, son jeune frère Jean NOVE demeure avec elle. Depuis avril 1910 date du décès de leur mère Marguerite Jeanne JACQUEMOT, c'est elle  qui s'occupe de ce petit frère né en 1903. Dans son domicile, elle fait de la confection qu'elle livre régulièrement chez son employeur. Mais ses maigres ressources ne lui permettent pas de subvenir aux besoins de trois enfants et Jean est placé en apprentissage chez un fleuriste à Vaise. Il est logé et nourri, plus tard il changera de patron, deviendra mécanicien ajusteur et fera carrière dans ce métier.

Claudius et sa soeur Juliette âgés respectivement de sept ans et cinq ans, sont adoptés par la Nation selon jugement du 07/08/1919. Claudia à partir de cette époque reçoit des aides. Elle peut inscrire ses deux enfants dans des écoles en internat.

            Plus disponible, et grâce à des recommandations, Claudia obtient à l'Hôpital de la Charité de Lyon, dans le 2eme arrondissement, un poste de veilleuse de nuit, et parallèlement, peut suivre des études  d'infirmière.

Son diplôme d'infirmière d'état en main, elle obtient un poste d'infirmière scolaire.

Claudia Nové

Claudia Nové infirmière


Elle demeure à cette époque au 3 de la rue Montesquieu. Claudius poursuit ses études dans une école religieuse de la ville. Influencé par certains membres de la famille et par ses éducateurs, il envisage une vie ecclésiastique.

Claudia fait la connaissance de Joseph SERVANT, sergent au 5e Régiment d'Infanterie Coloniale affecté à la caserne de Serin à Lyon. Le 21/12/1922 elle se remarie avec lui, et pour ne pas lui déplaire accepte la cérémonie civile. Joseph n'est pas croyant.
Les religieux de l'école de Claudius, mécontents de ce mariage civil décident aussitôt de son exclusion. Le lendemain du mariage Claudia et Joseph ont la stupeur de découvrir devant la porte de leur domicile leur fils renvoyé de l'école avec tous ses bagages.

Claudius termine l'année scolaire dans une école laïque proche, et pour la rentrée suivante, il réussit le concours d'entré à l'Ecole Pratique de Vienne dans l'Isère, ville éloignée de Lyon d'une trentaine de kilomètres. En internat, Claudius obtient après quatre ans d'études le Brevet industriel d'ajusteur.

 Il entre alors dans la vie active à  l'atelier mécanique GIGIER, rue d'Auvergne, à coté du domicile familiale, qui est le logement de fonction de sa mère. Situé dans l'école de la rue citée ci-dessus. Puis il travaille au garage "Talbot" Dumont à Perrache, rue Duhamel. Les conditions de vie sont maintenant bien meilleures, Claudia logée par l'éducation nationale, exerce son métier d'infirmière dans plusieurs écoles. Joseph de retour à la vie civile est inspecteur de police, Juliette étudie et envisage une carrière dans l'enseignement.

Claudius se plaît à la maison, bricole avec son beau père, fait du découpâge sur bois et confectionne avec adresse et patience coffrets à bijoux, portes-pipes et autres gadgets. Il sort peu et préfère la vie en famille. Il ne fréquente pas de jeunes filles.    

Lors des périodes de congés, la famille part en vacances à Saint Elme, petit port méditerranéen près de Toulon, doté d'une  magnifique plage de sable fin. Le seul hôtel restaurant chez "COSSE" est vite complet, et chaque année de nombreux habitants du village mettent à disposition de l'hôtel des chambres pour loger les vacanciers. En général les locataires sont enchantés de l'accueil et l'année suivante demandent la même famille d'hôte, la majorité des hommes du village sont marins et pêcheurs.

 On sympathise vite, pastis, bouillabaise, promenades en mer, parties de pétanque, et à la fin des vacances, les clients sont devennus des amisde la famille d'accueil. Claudia et les siens ne font pas exception à la règle, et la famille RANC-CAYOL qui les héberge devient intime. Le coeur de Claudius se met à battre très fort pour la fille de la maison, Clémence est belle, sage, et partage les sentiments de Claudius. Il n'en faut pas plus pour qu'une idylle se noue, et le 28 avril 1934 est célébré le mariage de mes parents à la Seyne-Sur-Mer.

Avec un peu d'appréhension Clémence quitte le midi et les siens pour venir demeurer à Lyon, au 14 de la rue wakadsuki, dans le quartier des Etats-Unis, 8éme arrondissement de Lyon.
Ma naissance étant proche, afin de ne pas rester seuls et d’économiser un loyer, mes parents viennent habiter provisoirement rue Bouchon dans le 4eme arrondissement où habitent Claudia et Joseph mes grands parents.

Depuis la fondation en 1927 des Croix-de-Feux, organisation présidée par le lieutenant-colonel de la Rocque, il est difficile d'obtenir et de conserver un emploi sans être adhérent. Au garage Dumont il en est ainsi. C'est la carte d'adhérent ou la porte. Claudius prend la porte ! Ainsi, jeune marié, son épouse sans travail, mon père se retrouve sans emploi. Il en est ainsi jusqu'en 1936, date de la dissolution de cette organisation, et Claudius durant cette période a bien du mal à subvenir aux besoins du ménage.

Il réussit à trouver à la S.N.C.F. un emploi de journalier, homme à tout faire. Peu satisfait de ce travail, pas du tout en rapport avec ses capacités. Il se présente en même temps à un concours S.N.C.F. comme mécanicien ainsi qu'à  la Lyonnaise des Eaux. Reçu aux deux, il entre sur le conseil de sa mère à la Lyonnaise des Eaux où il est premier au concours, le 2 janvier 1936.

La chance semble lui sourire, la place qu'il occupe est intéressante. Il est même très envié, d'ordinaire ce genre d'emploi est réservé à des fils de cadres de l' entreprise, mais le résultat du concours est là !

Hélas, fin janvier 1937 Claudius est malade, alité, il lui est impossible de se rendre à son travail,  et le 28 février  il est licencié pour absence !

La SNCF, au vu de ses bonnes notes au concours, l'embauche et il entre aux ateliers le 1er mars 1937.

Depuis 1933 Adolf Hitler, chancelier, puis président en 1934 assume tous les pouvoirs en Allemagne. Il crée la redoutable Gestapo. Sa politique d'expansion en Rhénanie ( 1936 ), Autriche et Tchécoslovaquie ( 1938 ), Pologne ( 1939 ), provoque la seconde guerre mondiale de 1939.

Nommé le 16 juin 1940 chef du gouvernement, le Maréchal Philippe Pétain conclut aussitôt l'armistice avec l'Allemagne et l'Italie ( 22/06/1940 ).

Investi des pleins pouvoirs par l'assemblée nationale, il devient, à 84 ans chef de l'Etat français, à Vichy, pendant l'occupation allemande. Il instaure un régime nationaliste, corporatiste, antisémite et anticommuniste qui, surtout après l'invasion de la zone libre par les Allemands ( novembre 1942 ) entre dans la voie de la Collaboration.

Comme nous le verrons plus bas, dès la déclaration de guerre mes grands parents quittent Lyon, et mes parents déménagent du Clos Jouve pour un appartement situé au troisième étage du 36 rue du Mail, toujours à la Croix-Rousse.

Les conditions de vie sont dures, le rationnement et les tickets  ne permettent pas toujours de manger à sa faim. Claudius, en bicyclette se rend dans la campagne environnante et achète à bon prix dans les fermes divers victuailles introuvables à Lyon. Tout naturellement, Clémence décide de faire elle aussi les voyages d'approvisionnement.

Elle achète un vélo, s'exerce à la conduite et s'élance sur les routes avec mon père. Ne connaissant rien du code de la route, à un carrefour, elle ne cède pas la priorité, percute un cycliste   et s'étale sur la chaussée. Furieuse, elle se relève et invective avec véhémence le pauvre cycliste, qui médusé, la roue avant en huit, s'éloigne lentement sans mot dire, son vélo inutilisable à la main.  Ma mère est tellement vexée qu'elle n'entend pas mon père lui dire à plusieurs reprises "tait toi, tu es en tord, la priorité à droite est aussi valable pour les cyclistes".

De retour d'un autre voyage de ravitaillement, alors qu'ils passaient devant un verger, Claudius ne peut résister au spectacle des pruniers croulant sous le poids des fruits. Halte, et "ventrée" de fruits murs et juteux que mon père dévore avec délectation. Le restant du trajet de retour est laborieux, la prune est laxative, et à consommation excessive ses effets sont très rapides! Tant et si bien que jusqu'à  l'arrivée, le vélo dans le fossé, Claudius baissa culotte une bonne dizaine de fois. Clémence moqueuse, monte la garde en riant de bon coeur.

Grâce à ces provisions, nous mangions correctement, et la famille pouvait sans trop de problèmes vivre ces périodes de crise.

Fin 1940 et au cours du premier semestre 1941, mon père et un groupe de cheminots remarquent que de nombreux wagons renferment des marchandises destinées aux allemands. Régulièrement ils pillent une partie des chargements, en font profiter leurs amis, et détruisent le surplus. Hélas une nuit ils sont surpris, frappés, et conduit à la prison St Paul.

Après six mois d'incarcération et sa révocation de la S.N.C.F, Claudius est embauché aux  établissements BRONDEL à Villeurbanne le 13 février 1941.

Mais dans l'entreprise, certains éléments favorables au gouvernement de Vichy, le surveillent. Persuadés des sentiments patriotiques et anti-allemands que Claudius ne parvient pas à cacher, ils le dénoncent aux autorités.

Au matin du 17 octobre 1942 mon père est arrêté à notre domicile, interné politique "indésirable Français" à Fort-Barraux, il est transféré le 20 novembre à Saint-Sulpice-la-Pointe.

Claudius interné, Clémence sans ressources doit rapidement trouver un emploi, car les quelques économies fondent rapidement. Tout  d'abord elle doit rechercher une personne pour s'occuper des enfants en son absence.

La famille DESGRANGES, demeurant grande rue de la Croix-Rousse, pas très loin de notre domicile, n'ayant qu'une seule fille, Renée, accepte de prendre soin de nous. Cette démarche effectuée ma mère ne reste pas longtemps sans travail, un ami cheminot, qui n'a pas été arrêté, la recommande aux établissements Lumière à Montplaisir-la-Plaine. Cette industrie fabrique et met au point bobines et pellicules photographiques. Clémence est   affectée au service développement.   

Chaque matin, Madame DESGRANGES vient nous réveiller. Ma mère est partit depuis longtemps. Montplaisir est loin de notre domicile et le trajet en tramway dure trois quarts d'heure. Madame DESGRANGES nous fait déjeuner, nous aide à nous habiller et nous conduit à l'école de la place Commandant Arnaud.

Avant de refermer la porte, elle n'oublie pas de prendre notre repas du midi que ma mère a préparé la veille au soir, et qu'elle réchauffera.

Le 24 mars 1943, mon père quitte Saint-Sulpice-la-Pointe, avec d'autres détenus, sous la garde de gendarmes français, ils sont installés dans un train à destination de l'Allemagne. Lors d'un ralentissement à la sortie d'un tunnel, il saute du train et se retrouve dans la région de Toulouse. Peu d'argent en poche, une ficelle à la place de ceinture, mal rasé, il ne peut que voyager la nuit car trop repérable de jour.

 Il regagne Lyon, et  va  attendre ma mère à la sortie de son travail. Après un bon bain et surtout un copieux repas, le moral remonte au beau fixe, mais il n'est pas question de rester rue du Mail. C'est le premier endroit qui sera visiter par la police.  Il part se réfugier chez sa soeur Juliette, institutrice, en poste à Grézieux le Marché. Il entre à partir de ce jour dans la clandestinité. Jusqu'à la libération ma soeur et moi  ne le verrons plus.

En effet pour notre sécurité à tous, il ne dort plus à la maison, et ma mère continue à dire que notre père est prisonnier des Allemands. Bien évidemment il vient de temps en temps à la maison lorsque nous sommes à l'école, ou le soir après notre coucher. C'est un fumeur, et à plusieurs reprises j'ai interrogé ma mère sur la présence de mégots dans les cendriers qu'elle avait omis de vider. Prise au dépourvu, elle m'a répondu que c'était elle qui fumait le soir, et à partir de ce jour, toussant et grimaçant, elle fumait devant nous et laissait les mégots dans le cendrier !

Le patron des établissements LUMIERE, au courant de la situation, fournit à ma mère des tickets de pain et de divers matières. Clandestin Claudius n'a pas de carte de rationnement, et il est difficile d'obtenir de la marchandise sans les tickets distribués chaque mois par la mairie, sur présentation de cette carte.

Depuis la déclaration de guerre, Claudia et Joseph ont quitté la Croix-Rousse, pensant être plus en sécurité, ils se sont installés à Cailloux-sur-Fontaine, petite commune à l’est de Lyon. Si effectivement le village est calme, il en est autrement pour le ravitaillement. N’étant pas connus, les fermiers refusent, de leur céder la moindre nourriture. Ils préfèrent vendre au marché noir, à des étrangers à la commune, principalement des lyonnais, issus d'une grande ville le rationnement est plus cruellement ressentit. Et l’on n’hésite pas à payer le prix fort aux producteurs.

Grâce à sa profession d'infirmière, Claudia recommandée par le médecin du village commence à prodiguer soins et piqûres. Dévouée elle est toujours disponible, et ne refuse jamais aussi bien le jour que la nuit à dispenser ses soins. Elle ne demande pas d’argent, mais se fait payer en denrées alimentaires. Joseph élève volailles et lapins, engraisse un cochon dans la porcherie, et le jardin commence à produire de beaux légumes.

A partir de cette époque, gagnant progressivement la confiance de ses patients, le lait, le beurre, et le fromage, ne font plus défaut. Les problèmes alimentaires sont résolus.

Une seule ombre au tableau, Joseph a depuis longtemps tendance à boire un peu trop. Profitant des absences de sa femme, il fréquente le bar situé en face de la maison. L'alcool le rendant  bavard et agressif, il se fait quelques ennemis dans le village.

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